Un texte de notre stagiaire Alexia Willard, 16 octobre 2024
Vous connaissez certainement ce fameux légume qu’est l’épinard… Mais le connaissez-vous vraiment ? Heureusement, je suis là pour vous donner toutes les informations qui pourraient vous servir concernant cet aliment.
HISTOIRE
L’épinard est originaire d’Asie centrale. Les peuples arabes l’auraient apporté dans le sud de l’Espagne vers les années mille. Dans la culture arabe, on utilisait principalement l’épinard à des fins médicales contre les douleurs à l’estomac et au foie. Le légume vert aurait ensuite voyagé jusqu’en France aux alentours du 13e siècle. Des graines se seraient accrochées aux vêtements des voyageurs et aux poils des chevaux avant de germer sur leur chemin. En Europe, les habitants avaient surnommé l’épinard l’herbe de carême en raison de son goût amer. Ils préféraient d’ailleurs le mélanger à du sucre afin d’en faire des boulettes appelées « espinoches ».
BOTANIQUE
L’épinard pousse en rosette comme la laitue. L’épinard est une plante dioïque, ce qui veut dire qu’il est unisexué et qu’il comporte 2 pieds, un mâle et un femelle, pour assurer sa reproduction. Il est bisannuel (reviens tous les deux ans) ou annuel (reviens tous les ans) selon la variété et sa récolte se fait au printemps, plus précisément dans les mois de mai et juin. Il existe 16 variétés d’épinards, dont de nouvelles qui ont été créées afin de mieux résister à certaines maladies comme le Perenospora, qui est un champignon s’attaquant à l’épinard. On peut récolter (et manger) les épinards lorsqu’ils sont matures, qu’ils ont pris une couleur vert profond et qu’ils sont devenus bien charnus, mais on peut aussi les manger lorsqu’ils sont encore jeunes, que leur forme est toujours ronde et qu’ils ont une couleur plus pâle. On les trouve en épicerie sous les noms « bébés épinards » et « épinards jeunes ». Leur valeur nutritive est semblable et leur goût est moins fort.
LE MYTHE DE LA CHLOROPHYLLE
La belle couleur verte de l’épinard lui vient de la chlorophylle. Les chlorophylles sont les pigments qui permettent la photosynthèse, c’est-à-dire la conversion de la lumière du soleil en oxygène. Très populaire en médecine alternative, la chlorophylle se vend sous forme concentrée, liquide ou en poudre. On lui confère une pléthore de bienfaits pour notre santé : stimuler le système immunitaire, éliminer les champignons dans le corps, détoxifier le sang, nettoyer les intestins, éliminer les odeurs corporelles, énergiser l’organisme, prévenir le cancer… un vrai miracle ! Mais qu’en dit la science ?
D’abord, il est important de rappeler que prétendre qu’un produit détoxifie, nettoie, purifie le sang, le corps, etc., c’est oublier que nous avons déjà un excellent système de filtration : les reins. Pas besoin donc de vous acheter de la chlorophylle chez l’apothicaire du coin pour avoir le sang propre : vos reins sont déjà à l’ouvrage. Avoir une alimentation saine, boire de l’eau, faire de l’activité physique et réduire au minimum notre consommation d’alcool sont des gestes amplement suffisants pour aider vos reins à bien faire leur travail. Il en va de même pour avoir plus d’énergie et stimuler votre système immunitaire (vous faire vacciner est aussi une excellente façon de stimuler votre système immunitaire).
Ces allégations concernant les bienfaits de la chlorophylle sont donc, au mieux, très exagérées, voire carrément fausses. En fait, les scientifiques ne sont même pas certains que la chlorophylle puisse résister à l’acidité de l’estomac suffisamment longtemps pour pouvoir être métabolisée. Certaines études à petite échelle ont montré quelques pistes intéressantes comme le potentiel d’aider la cicatrisation en application topique (directement sur la peau), mais les résultats de ces études ne sont pas très concluants et il faudrait des études à beaucoup plus grande échelle pour pouvoir prouver que la chlorophylle apporte des bienfaits significatifs au corps humain. Elle est cependant résolument essentielle à la survie des plantes comme l’épinard, qui, lui, est très bon pour notre santé !
VALEUR NUTRITIVE
Les épinards sont une excellente source de fibres. On retrouve 3,5 g de fibres dans 100 g d’épinards crus et 2,5 g dans 100 g d’épinards cuits. Et c’est super, car on adore les fibres ! Pourquoi ? Parce que les fibres sont excellentes pour la prévention du diabète et la régularisation de la glycémie. Les fibres aident à ralentir la digestion des aliments et donc l’absorption du sucre dans le sang. Cela aide donc à éviter des pics de glycémie après les repas, mais aussi à bénéficier de l’énergie de notre repas pendant plus longtemps.
Les épinards possèdent aussi une quantité significative d’antioxydants qui aide à prévenir le cancer du sein et de la prostate. De plus, ils contiennent de la lutéine, un antioxydant aux propriétés anti-inflammatoires particulièrement utiles pour les yeux. Ils contiennent aussi du nitrate, un antioxydant qui aide à faire baisser la pression artérielle et aide donc à réduire le risque de maladies du cœur. Les épinards contiennent aussi des quantités intéressantes des vitamines et minéraux suivant :
- la vitamine A qui aide à la santé des yeux et des os ;
- la vitamine B9 (aussi appelée « acide folique ») qui est idéale lors des grossesses puisqu’elle aide à la croissance du fœtus et au renouvellement cellulaire ;
- la vitamine K qui aide à la coagulation sanguine et à la santé osseuse ;
- le magnésium qui est utile pour la santé musculaire et osseuse ;
- le manganèse qui aide à l’amélioration du processus métabolique et à la formation des os ;
Les épinards crus et cuits ont un profil nutritionnel différent. Les épinards crus sont plus riches en vitamines B2, B3 et C, tandis que les épinards cuits contiennent davantage de vitamines A, B1 et E, de zinc, un minéral qui supporte le système immunitaire, de calcium et de fer.
À NOTER ! La vitamine C et le fer ont une grande relation d’entraide. En effet, l’ingestion d’aliments contenant de la vitamine C va grandement aider l’augmentation du fer dans l’organisme, puisque lorsque ces deux éléments sont mélangés, l’absorption du fer peut être jusqu’à six fois plus efficace.
LE MYTHE DU FER
Malgré la croyance populaire, l’épinard n’est pas LA meilleure source de fer. Par exemple, le cacao, les moules et le persil contiennent tous plus de fer que des épinards. Ceux-ci sont tout de même une très bonne source de fer, mais pas autant que l’Histoire a voulu nous le faire croire.
Tout a commencé lors de la publication du chimiste allemand Emil von Wolff, datant de 1870. Mandaté pour évaluer la composition nutritionnelle de nombreux aliments, dont les épinards, il obtient une valeur de 2,7 mg de fer par 100 g d’épinards cuits. Il remet ses résultats à sa secrétaire pour qu’elle retranscrive et publie l’article. Cependant, cette dernière fait une erreur de frappe et place la virgule à la mauvaise place, transformant le respectable, mais somme toute ordinaire 2,7 mg de fer en 27 mg, soit dix fois sa valeur réelle. C’est seulement en 1937 que la vérité sur les épinards fût rectifiée grâce au travail de chercheurs allemands. Malheureusement, l’épinard est déjà passé à la légende grâce, entre autres, à un certain marin puisant sa force extraordinaire à même ce légume. Le personnage de bande dessinée Popeye apparaît pour la première fois dans le comic strip quotidien The Thimble Theatre en 1929 et devient vite un chouchou du public qui marquera de nombreuses générations. Encore à ce jour, les gens pensent toujours à ce légume vert comme l’aliment avec le plus grand taux de fer.
Toutefois, avec environ 2 mg pour 100 g, les épinards arrivent bien après les légumineuses, les céréales, la viande rouge (qui n’est recommandée que pour les personnes qui n’ont pas de problème de cholestérol ainsi que de problème cardiovasculaire), les crustacés et le chocolat noir pour leur teneur en fer. Les épinards ont une teneur en fer comparable au brocoli, aux blettes, aux olives noires ou encore au chou frisé.
EN CUISINE
L’épinard est un ingrédient polyvalent que l’on retrouve dans plusieurs traditions culinaires à travers le monde, notamment dans les cuisines méditerranéenne, indienne, maghrébine et asiatique. En Italie, il est utilisé dans les lasagnes, les raviolis ou la quiche, tandis qu’en Inde, il constitue l’ingrédient principal du palak paneer, un plat à base de curry d’épinards et de fromage frais. En Grèce, il brille dans la spanakopita, une tourte feuilletée garnie d’épinards et de feta. Dans la cuisine du Maghreb, on le retrouve dans des plats comme le tajine d’épinards, un mélange d’œufs, d’épices et parfois de viande hachée ou d’olives.
Pour des utilisations moins conventionnelles, l’épinard peut enrichir des smoothies ou même des brownies sans altérer leur goût. Avant toute utilisation, il est conseillé de laver soigneusement les feuilles pour éliminer toute trace de sable et de l’intégrer rapidement dans les recettes pour préserver sa fraîcheur. L’épinard se prête aussi bien à une consommation crue en salade qu’à une cuisson rapide à la poêle avec un filet d’huile d’olive et de l’ail. Dans les préparations comme la quiche ou la pizza, où l’excès d’eau pourrait compromettre la texture, il est recommandé de faire tomber les épinards à la poêle pour éliminer l’humidité. Pour une conservation prolongée, les épinards peuvent être blanchis puis congelés, parfaits pour des soupes, potages ou plats mijotés.
Enfin, pour les conserver au réfrigérateur pendant 2 à 3 jours, il est recommandé de glisser du papier absorbant dans l’emballage, afin de ralentir le flétrissement en absorbant l’excès d’humidité.
SOURCES
Noovo Moi. (n.d.) Épinard : un légume santé à déguster sous toutes ses formes. Bell Media.
Armand Heitz. (2021) Histoire de l’épinard. Armand Heitz.
Bowman J., Meacham J. (2024) Liquid chlorophyll: Benefits and risks. Healthline Media.
HMP Global Learning Network. (2008) Enzymatic debriding agents: An evaluation of medical literature. HMP Global.
Leduc, O. (2018) Les toxines : ce que la science en dit vraiment. Le Pharmachien.
Fédération Belge du Diabète. (2019) Les épinards. Fédération Belge du Diabète.